Chili : 7 morts dans les émeutes, le président déclare le pays “en guerre”

Le Chili est “en guerre”, a affirmé dimanche le président Sebastian Piñera, dont le pays est secoué depuis trois jours par des émeutes et des pillages qui ont fait sept morts. La pire explosion sociale depuis des décennies.

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20 octobre : des soldats chiliens arrêtent un manifestant dans la ville de Concepcion. Crédit: PABLO HIDALGO / AFP

Pour la deuxième nuit consécutive, une mesure de couvre-feu a été décrétée à Santiago entre 19 heures et 6 heures locales. L’état d’urgence est également en vigueur dans plusieurs régions, dont celle la capitale de 7 millions d’habitants. Il a été étendu dimanche soir à plusieurs grandes villes du sud et du nord du pays.

Nous sommes en guerre contre un ennemi puissant, implacable, qui ne respecte rien ni personne et qui est prêt à faire usage de la violence et de la délinquance sans aucune limite”, a déclaré le président Piñera à la presse. Le général Javier Iturriaga, chargé depuis le 18 octobre de la sécurité publique par le chef de l’Etat, a de son côté appelé les habitants à rester “calmes” et à ne pas sortir de chez eux.

3 jours : 7 morts et près de 1500 arrestations

Les émeutes se sont poursuivies le dimanche 20 octobre. Des affrontements ont eu lieu entre manifestants et policiers dans l’après-midi dans le centre de Santiago, tandis que des pillages se déroulaient dans plusieurs endroits de la capitale. Cinq personnes ont ainsi péri dans l’incendie d’une usine de vêtements en proie à des pillages. “Cinq corps ont été retrouvés à l’intérieur de l’usine en raison de l’incendie”, dans le nord de la capitale, a annoncé à des médias locaux le commandant des pompiers de Santiago, Diego Velasquez.

Deux personnes étaient déjà mortes dans la nuit du 19 au 20 octobre dans l’incendie d’un supermarché également pillé par des manifestants dans le sud de la capitale, et une troisième avait été blessée, le corps brûlé “à 75 %”, selon les autorités. Deux personnes ont également été blessées par balle et hospitalisées dans un état “grave” après un incident avec la police lors de pillages, également dans le sud de la capitale, selon la même source.

Près de 10 000 policiers et soldats ont été déployés. Les patrouilles de militaires dans les rues sont une première dans le pays depuis la fin de la dictature du général Augusto Pinochet (1973-1990). Selon les autorités, 1 462 personnes ont été arrêtées, dont 644 dans la capitale et 848 dans le reste du pays.

Après trois jours de violences, le centre de la capitale chilienne et d’autres grandes villes, comme Valparaiso et Concepcion, offraient des visages de désolation : feux rouges au sol, carcasses de bus carbonisées, commerces pillés et incendiés. Plusieurs centaines de vols ont été annulés à l’aéroport de Santiago pendant la durée du couvre-feu. Des milliers de voyageurs se sont retrouvés bloqués pour la nuit dans l’aérogare.

A l’origine des émeutes, une hausse du prix du métro

Les manifestations ont débuté le 18 octobre pour protester contre une hausse — de 800 à 830 pesos (environ 11,14 dirhams) — du prix des tickets de métro à Santiago, réseau le plus étendu (140 km) d’Amérique du Sud qui transporte quotidiennement environ trois millions de passagers.

Piñera a suspendu la hausse dès le lendemain, mais les manifestations et les violences se sont poursuivies, nourries par la colère face aux conditions socioéconomiques et aux inégalités dans ce pays loué pour sa stabilité économique et politique, mais où l’accès à la santé et à l’éducation relève presque uniquement du secteur privé.

Des dizaines de supermarchés, de véhicules et de stations-service ont été saccagés ou incendiés. Les bus et les stations de métro ont été particulièrement ciblés. Selon le gouvernement, 78 stations de métro ont subi des dommages, dont certaines ont été totalement détruites. Ces dégâts dans le métro sont évalués à plus de 300 millions de dollars et un retour à la normale sur certaines lignes pourrait prendre “des mois”, a indiqué dimanche le président de la compagnie nationale de transports publics, Louis de Grange.

Un ras-le-bol généralisé

Il ne s’agit pas seulement du métro, mais de tout. Les Chiliens en ont marre des injustices”, a déclaré sur une chaîne de télévision locale, Manuel, un travailleur qui tentait dimanche de gagner son lieu de travail.

Quelques rares bus ont circulé dans la capitale, forçant les habitants à se rabattre sur les taxis et les VTC, dont les prix s’envolaient. Des petits commerces ont néanmoins rouvert ainsi que des stations-service où les files d’attente de voitures étaient visibles, les habitants craignant une poursuite des violences ce 21 octobre alors que des étudiants ont appelé à de nouvelles manifestations.

De l’extérieur, on ne pouvait voir que les réussites du Chili, mais à l’intérieur, il y a des niveaux élevés de fragmentation, de ségrégation […] La jeunesse en a eu marre et elle est sortie dans la rue pour montrer sa colère et sa déception”, a expliqué à l’AFP Lucia Dammert, professeure à l’université de Santiago du Chili.

 

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