La HACA se saisit du "cas" Adil El Miloudi

La Haute autorité de la communication audiovisuelle (HACA) s'est autosaisie suite à la réapparition d'une vidéo d'Adil El Miloudi tenant des propos misogynes lors d'une émission diffusée le 29 juin dernier sur Chada TV. L'affaire a fait grand bruit en suscitant l'indignation au Maroc, et a été relayée par plusieurs médias étrangers.

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Une vidéo du chanteur Adil El Miloudi faisant l’apologie de la violence conjugale lors d’une interview a mystérieusement refait surface sur les réseaux sociaux début septembre. Le chanteur participait à l’émission “Kotbi Night” diffusée le 29 juin dernier. Il avait déclaré, entre autres, que “pour être un homme il faut frapper sa femme” [traduction en direct d’Imad Kotbi, NDLR]. Les réactions à ces propos n’ont pas tardé à fuser sur la twittosphère marocaine et dans les médias internationaux.

Des propos qui choquent

Cheveux gominés ramenés en arrière et chemise légèrement entrouverte, c’est avec aplomb et grand sourire qu’Adil El  Miloudi explique qu’il a l’habitude de frapper sa femme. Malgré le malaise perceptible du présentateur Imad Kotbi qui tente de donner le change en lançant “partout dans le monde il ne faut pas frapper une femme”, les rires vont plutôt bon train sur le plateau où était également présent l’acteur Samy Naceri. Cette scène n’a pas fait rire les internautes lorsque la vidéo s’est propagée sur les réseaux, deux mois plus tard. La HACA n’avait apparemment pas repéré cette vidéo controversée et ne se saisit du dossier que maintenant, grâce à son système de veille.

Selon Morocco World News, le chanteur n’en est pas à ses premiers dérapages sur les sujets relatifs aux femmes. En mars 2015 relate le média anglophone, Adil El Miloudi avait proféré des menaces à l’encontre du réalisateur Nabil Ayouch et de l’actrice Loubna Abidar dans la chanson “Kifach Houma Mahadrouch” (“Pourquoi n’ont-ils pas parlé? ”). Des paroles qui faisaient référence au film très controversé “Much Loved”. Morocco World News rappelle également que l’artiste avait soutenu publiquement, en 2018, le chanteur Saad Lamjarred accusé de viol.

Un débat transporté en France

“Ces propos banalisent la violence à l’égard de la femme et éclaboussent notre image à l’étranger. Ce chanteur balaye d’un revers de main tous nos efforts pour la défense des droits de la femme et ternit notre réputation à l’échelle internationale”, regrette Leila Amili, présidente de l’association Mains Libres dans une interview accordée à 2M.

L’affaire n’a pas échappé à la presse internationale, notamment française. Des médias se réclamant ouvertement de droite comme Valeurs actuelles et Le Figaro. Le doyen de la presse quotidienne française titre même en mettant en avant une citation du chanteur: “Au Maroc, chacun peut frapper sa femme, la tuer”. Les propos d’Adil El Miloudi ont également défilé en boucle sur la chaîne d’information en continu BFM TV.

La sombre réalité des violences conjugales

Si les réactions se font si vives, c’est que les violences de genres sont encore une réalité dans le pays. Harcèlement de rue, agressions, violences mentales ou physiques, 54,4% des femmes marocaines ont été victimes de violences. Depuis 2018, la loi 103.13 condamne les violences faites aux femmes. Malgré ce texte, “la femme est toujours perçue comme celle qui est en tort, qu’elle soit opprimée ou non”, concède la ministre de la Famille, Bassima Hakkaoui lors d’une intervention sur un plateau de 2M le 9 juin dernier.

Une avancée législative essentielle, mais qui ne résoudra pas à elle seule la situation et dont plusieurs failles ont été dénoncées par des associations marocaines. En effet, seulement 6,6% des femmes violentées au Maroc ont porté plainte contre leur agresseur, selon une enquête nationale sur la prévalence de la violence faite aux femmes.