Le projet de loi sur l'officialisation de l'amazigh crée la discorde au parlement

Le parti de l'Istiqlal et le PAM ont décidé de se retirer de l'ensemble des sous-commissions parlementaires, notamment à cause de l'absence de consensus entre les partis de la coalition gouvernementale sur les amendements à apporter au projet de loi sur l'officialisation de la langue amazighe. Les détails.

Par

Crédit : Rachid Tniouni

Soumis il y a trois ans à la commission de l’enseignement à la chambre des représentants, le projet de la loi organique 26.16 sur le caractère officiel de l’amazigh  a été finalisé depuis près d’un an et demi. Pourtant, il reste bloqué au niveau de ladite commission. La cause ? “L’absence de consensus entre les partis de la coalition gouvernementale sur des propositions d’amendements communes”, nous explique Abdelmajid Fassi Fihri, député de l’Istiqlal.

Ce climat de désaccord s’est manifesté lors d’une séance plénière consacrée au texte, et tenue le mardi 14 mai à la chambre des représentants. Lors de cette séance, “les partis de la majorité ont montré leur incapacité de s’entendre sur des propositions communes”, martèle le député Istiqlal. Selon lui, “le PJD s’est mobilisé contre l’utilisation de la graphie berbère (le tifinagh, NDLR), alors que le RNI la défend”. Sollicité par TelQuel, le président du groupe parlementaire du PJD n’a pas donné suite.

La réaction du PAM et du Istiqlal 

Suite à ce blocage, le Parti authenticité et modernité (PAM) a décidé de se retirer de la sous-commission préparatoire au vote de la loi organique créée pour parvenir à un consensus entre les partis politiques. “Le groupe parlementaire du PAM a décidé de se retirer de cette sous-commission, de celle sur le projet de la loi organique portant Création du Conseil national de la culture marocaine, mais aussi de l’ensemble des sous-commissions préparatoires au vote des projets de loi”, nous confie Mohamed Aboudrar, président du groupe parlementaire du parti au tracteur. La décision du parti se justifie, selon lui, par “l’échec de la sous-commission chargée de la discussion du projet de la loi-cadre sur l’enseignement qui a été avorté par la majorité, particulièrement par le groupe du PJD”.

Même son de cloche au sein du groupe parlementaire de l’Istiqlal qui a décidé, lui aussi, de se retirer de ladite sous-commission. “Le parti a déployé des efforts considérables pour faire aboutir ce projet de loi. Cela fait presque un an que nous avons soumis nos amendements à la commission, au moment où la majorité n’avait pas soumis les siens à la suite d’un désaccord entre ses composantes”, explique Abdelmajid Fassi Fihri. Ce désaccord “est la première cause derrière le retard législatif constaté, notamment dans l’adoption de la loi-cadre sur l’enseignement”, lit-on dans un communiqué du parti publié le 14 mai.

Avancer sans consensus

Les deux formations de l’opposition se sont accordées sur la nécessité de revenir à la procédure normale d’adoption des projets de loi sans avoir à chercher un consensus entre les composantes de la majorité. “Nous voulons revenir au processus normal de législation suivant lequel chaque tendance politique défend ses positions à travers les amendements, et c’est le vote final qui sera déterminant”, note le président du groupe parlementaire du PAM.

Le parti de la balance, qui juge la majorité gouvernementale “responsable de la perturbation de la ratification de ces deux textes”, appelle lui aussi à “un retour rapide de l’autorité législative ordinaire prévue dans le règlement interne du parlement, plutôt que la recherche de consensus impossibles pour les composants majoritaires du gouvernement”, souligne le communiqué du parti.

La décision des deux partis de l’opposition concerne également le projet de la loi-cadre sur l’enseignement. Ce dernier “est toujours bloqué à cause du groupe parlementaire du PJD qui campe sur sa position contre l’enseignement des matières scientifiques et techniques en français”, nous informe Abdelmajid Fassi Fihri. Ce projet peine depuis près de 7 mois à franchir le cap de la commission parlementaire, essentiellement parce que le groupe parlementaire du PJD fait front unique contre la version du projet présentée par le ministre de l’Education nationale, Saaid Amzazi. “J’ai l’impression que le PJD laisse sciemment traîner ce texte jusqu’après la prochaine échéance électorale. Car son adoption portera un coup dur au parti à référentiel islamiste”, nous déclare un parlementaire proche du dossier.